Série Primat - Exposition collective «Ocytocine» - Tropiques Atrium - Martinique - Mars 2021

La série de photographies Primat propose une vision ambivalente de l’ocytocine en tant qu’hormone qui dirige nos rapports sociaux. Jordan Beal dévoile un panorama de clichés intimes, allant de couples qui s’échangent un baiser, cernés par des corps nus, jusqu’à l’image d’un ventre marqué par la grossesse. Le dispositif d’accrochage suggère une narration impersonnelle comme étant celle d’une espèce entière et non de quelques individus. Pourtant, les photographies, si on les considère séparément, sont à l’évidence une intrusion dans l’intimité des personnes.
Le photographe s’immisce entre ces couples qu’il met en scène dans son studio. Il se rapproche au plus près d’eux, si bien que son regard dépasse ce qui est visible ou se donne à voir. C’est peut-être l’ocytocine elle-même qu’il cherche à capturer pour la disséquer. Cette posture semble pourtant construire son mythe, et on ressent que quelque chose d’invisible se joue. Les corps qui encadrent les couples naviguent entre sensualité et monstruosité. La lumière les déforme, les déshumanise et ne laisse transparaître presqu’aucune identité. Il ne reste que leur essence première : susciter le désir, peut-être à outrance. Le ventre, lui, propose une esthétique opposée. Loin d’être lisse ou impersonnel, C’est sa surface froissée et distendue qui est mise en avant. Mis à distance des autres photographies, le ventre devient sujet et ponctue la narration. À travers cette série, Jordan Beal dévoile un mystère sur les relations amoureuses. Il noue des interrogations et perturbe notre jugement.
Sommes-nous piégés par nos instincts ou maîtres de nos désirs?
_ Pauline Bonnet

Photographies argentiques contrecollées sur dibond

Ocytocine est une exposition née du sentiment partagé que la molécule biologique que médecins et scientifiques étudient par le prisme de la science, a aussi une portée sociale complexe. Neuf artistes, de différentes générations et d’horizons artistiques divers, parfois opposés, proposent chacun, mais ensemble, un questionnement sensible sur cette « hormone du plaisir ». Les multiples fonctions de l’ocytocine permettent une large appropriation du concept scientifique. Son rôle dans les rapports sociaux, amoureux, sexuels ou parentaux font de cette hormone un phénomène à la fois naturel et pourtant indescriptible. C’est en effet l’expérience de l’ocytocine, partagée de tous à différents niveaux, qui régit bon nombre de rapports humains, parfois malgré nous. L’ocytocine est contradictoire, elle s’immisce dans nos chairs à notre insu. Elle est à la fois responsable des plus grands bonheurs comme des plus grands désastres. Si elle inspire l’amour, la maternité, la tendresse, est-elle de fait responsable de la jalousie et de l’agressivité? Elle dirige nos échanges, en particuliers corporels, en nous extasiant avec plaisir, nous manipulant sans remords, nous rendant heureux facilement et nous aveuglant innocemment. L’ocytocine fait brûler de désir, arrache la vertu et noue la tendresse. Créatrice à sa manière, l’ocytocine sert son but : mener à son terme une grossesse et faire perdurer l’espèce humaine grâce aux rapports sociaux.

Agnès Brézéphin – Pauline & Mathilde Bonnet – Jordan Beal – Ricardo Ozier-Lafontaine – Gwladys Gambie – Hélène Raffestin – Aurélie Merlin – Frédéric Lagnau